PINOCCHIO : Frankenstein des bois ?
Création de l’italien Carlo Collodi, la marionnette vivante nommée Pinocchio apparaît dans un roman pour enfants en 1881. Son nom toscan est issu du pignon de pin qui rappelle le fait qu’il est un petit être de bois. Il a été créé par le menuisier Gepetto, amené à la vie par la fée bleue et son nez s’allonge dès qu’il ment. Oui, on a tous entendu l’histoire enfant ou visionné le long-métrage animé de Walt Disney sorti en 1940 !
Ce long-métrage n’est pourtant pas le premier car un film muet italien l’avait devancé dès 1911 mais ce n’est pas non plus le dernier car pas moins de deux longs-métrages à son sujet sont sortis en 2022 ! Le premier est réalisé par Robert Zemeckis pour les studios Disney. Cela adapte le dessin-animé de l’époque déjà assez fidèle au roman d’origine mais ne brille pas par son inventivité ou son originalité. Le second est sorti pour sa part directement sur Netflix. Il s’agit d’animation type stop motion et est réalisé par Guillermo Del Toro à qui l’on doit Hellboy, Pacific Rim, La Forme de l’Eau, Le Labyrinthe de Pan ou encore le récent Nightmare Alley et Mark Gustafson, qui était directeur de l’animation sur le Fantastic Mr Fox de Wes Anderson, et c’est celui que l’on va évoquer ici.
Pinocchio à la sauce Frankenstein
Le traitement du jouet avec l’âme d’un petit garçon n’est pas aussi moralisateur et simple que dans son roman d’origine, plus versé dans l’aventure. On reste dans une quête initiatique mais le contexte est bien plus sombre. Il est créé tel un substitut de l’enfant décédé de Gepetto un soir d’orage comme un savant fou joue avec les règles de la Nature. L’histoire démarre en 1916 sur fond de pouvoir grandissant de Benito Mussolini et de bombardements. La fable joyeuse est un peu mise de côté comme vous pouvez vous en douter avec ce discours sur le fascisme !
Néanmoins, cette version de Pinocchio comporte tout de même une composante comédie musicale avec de nombreuses chansons interprétées par le héros mais de nature bien plus mélancolique que celles d’un dessin-animé Disney. Au passage, Del Toro y retrouve à la musique Alexandre Desplat avec qui il a travaillé sur La Forme de l’Eau ou encore sa série animée Chasseurs de Trolls et il réalise une partition tout à fait correcte.
Petit budget mais gros casting
Si l’on compare aux 150 millions de dollars de l’adaptation en prises de vues réelles sortie par Disney cette même année avec Tom Hanks (Philadelphia, Forrest Gump) en Gepetto et Joseph Gordon-Levitt (3e Planète après le Soleil, The Walk) en Jiminy Cricket, les 35 millions de la version de Del Toro semblent assez légers mais ça n’empêche pas ce film d’être doté d’un casting voix fort honorable !
En effet, Gepetto est ici interprété par un fidèle de l’écurie Del Toro, David Bradley, que l’on a aussi pu voir dans Harry Potter, Game of Thrones ou encore des films de la trilogie Cornetto d’Edgar Wright. Et à ses côtés, beaucoup de beau monde, jugez plutôt : Ewan McGregor (Trainspotting, Star Wars), Ron Perlman (Hellboy, Sons of Anarchy), Tilda Swinton (Dr Strange, 3000 Ans à t’attendre), Cate Blanchett (Blue Jasmine, Le Seigneur des Anneaux… Qui double ici… un singe !) et enfin Christopher Waltz (James Bond, Inglorious Bastards) en évident méchant.
Et au final ?
Finalement, cette mouture de Pinocchio est extrêmement riche et profonde. Le thème du deuil comme celui du totalitarisme naissant sont attaqués frontalement tandis que le héros garde son innocence durant ses différentes péripéties. Et dans le même temps, si le cadre est modifié et que les différents personnages sont parfois réinterprétés ou regroupés, l’histoire d’origine reste présente avec un peu d’onirisme et de noirceur en bonus. Réalisé avec une minutie palpable, cette mouture est celle à voir en cette année 2022 en opposition du remake Disney. Pour être complet, je tiens aussi à vous indiquer qu’un making of de 35 mn est également en ligne sur Netflix pour comprendre le travail derrière ce film.
