SUICIDE SQUAD : mieux que les G-Squad ?
The Suicide Squad de James Gunn, 2ème film à mettre en scène cette équipe, est à mille lieux de ce qu’était le premier opus de David Ayer. Si le film de 2016 était un film de la Warner dont la vision du réal était sans doute massacrée par les impératifs du studio, celui de 2021 est un vrai film de réalisateur. Et je ne vous le cache pas, ça fait ultra plaisir !
Mais avant de creuser un peu le sujet de cet épisode cinématographique où James Gunn secoue le monde super-héroïque avec énormément d’humour comme il avait énormément enrichi le Marvel Cinematographic Universe, dit MCU, avec Guardians of The Galaxy, causons comics !
Amanda et sa Suicide Squad dès 1987
Si Rick Flag Jr a eu droit à une première apparition au sein d’une Suicide Squad dès 1959, c’est John Ostrander qui lancera le concept moderne à travers le crossover DC nommé Legends où apparaîtra Amanda Waller qui lancera la création d’une Task Force X, nommée également Suicide Squad. Cette équipe, composée de super-vilains prisonniers de la prison de Belle Reve, acceptent, en échange d’une remise de peine potentielle, de faire la sale besogne de l’agence gouvernementale à travers des missions secrètes. Petite précision : Waller s’assure de la véritable allégeance de ces truands et assassins en leur plaçant une bombe à la base de leur crâne, activable à distance !
Pendant 66 numéros qui courent jusqu’en 1992, diverses missions se succèderont avec divers membres mais les plus réguliers auront été à cette période Captain Boomerang, Bronze Tiger ou encore Deadshot. C’est d’ailleurs cette équipe là que nous avons pu parfois croiser dans la série Arrow de la CW et qui est considérée comme l’équipe « classique ».
On notera que le pitch de la série est assez sombre et moralement discutable… Cela s’inscrit dans une mouvance des années 80 pour sombrer gentiment dans le grim and gritty avec en 1986 et 1987 l’arrivée du Dark Knight Returns de Frank Miller et celui des Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons… Et qui perdurera jusque dans les années 90-2000 avec notamment la plupart des versions de X-Force chez Marvel dont certaines reprenant le principe de black-ops réalisant des missions pas très nettes…
Suicide Squad, version moderne
Après diverses itérations qui ne feront pas long feu, la Suicide Squad bénéficie d’une grosse relance lors du revamp de l’univers DC en 2011 avec les New 52. Dans ce 4ème volume de Suicide Squad écrit par Adam Glass (scénariste à la télé pour des séries comme Criminal Minds par ex), Rick Flag Jr laisse la place à Deadshot en leader d’équipe et l’équipe intègre de nouvelles têtes comme King Shark mais également Harley Quinn.
Au gré des relaunchs, dès 2014 débarque au scénario Sean Ryan qui transforme la Suicide Squad en une sorte d’équipe « all-stars » de vilains vu que la plupart des seconds couteaux habituels laissent place à de grosses pointures comme le Reverse Flash ou encore Deathstroke ! Et deux ans plus tard, en 2016, pour soutenir ou profiter de la sortie du film Suicide Squad du réalisateur David Ayer, DC met les petits plats dans les grands au sein de son relaunch DC Rebirth en mettant en équipe créative Rob Williams au scénario mais surtout un pool de dessinateurs composé de Jim Lee (X-Men, Divine Right, Batman : Hush, WildC.A.T.S…), Tony S. Daniel (Batman, Teen Titans, The Tenth…) et John Romita Jr (Amazing Spider-Man, Daredevil, Kick-Ass…) pour assurer des sorties bimensuelles !
On y retrouve d’ailleurs les personnages du 1er film avec Rick Flag, Deadshot, Harley Quinn, Captain Boomerang, Enchantress, Killer Croc et Katana mais nous évoquerons l’étron de la Warner et David Ayer un peu plus loin. En 2020, Tom Taylor signe un excellent relaunch avec une équipe assez fraîche avec de nouvelles têtes, un retour au rythme mensuel, de l’action et un aspect récit d’espionnage par moments. Cette mouture du titre tournera néanmoins assez court avec le lancement en mars 2021 d’une ènième nouvelle version de l’équipe dans le dernier relaunch en date (vol. 7 tout de même) dans le cadre du relaunch global Infinite Frontier chez DC et surtout l’approche du nouveau film réalisé par James Gunn, en y réinjectant le personnage de Peacemaker interprété par le catcheur John Cena dans le long-métrage.
1er film : suicide direct !
Souvenez-vous 2016… Le film de Zack Snyder, Man of Steel, nous avait surpris et un peu déçu en 2013 par sa posture à la fois très icone religieuse mais aussi assez sombre et violente. Et là, nous sortions assez interloqués du Batman v. Superman : Dawn of Justice du même réalisateur qui nous décevait à nouveau lors de cette première rencontre cinématographique entre les deux héros majeurs de l’écurie DC. La proposition de Zack Snyder pour lancer l’univers cinématographique DC avait la bonne idée de s’éloigner de la proposition copié-collée de l’équivalent MCU tourné humour, sérialisation et canevas répétitif (même s’il y a parfois des fulgurances pour le petit coeur fragile de certains geeks). Malheureusement, cette vision n’était pas totalement maîtrisée avec des résolutions très enfantines (Marthaaaaa !), des deus ex machina simplistes et un évident contrôle très serré de l’ensemble par la Warner.
De ce fait, on espérait pas mal à l’époque de ce premier film estampillé DC avec des personnages moins connus et iconiques et donc plus malléables pour l’adaptation sur le grand écran. Les bandes annonces étaient bien rythmées, le cast avec Margot Robbie en Harley Quinn, Viola Davis en Amanda Waller, Joel Kinnaman en Rick Flag ou encore Will Smith en Deadshot avait l’air de tenir la route sur le papier… Et là, quelle déception ! En même temps, un film réunissant Jared Leto, Jai Courtney et Scott Eastwood, on aurait dû le voir venir…
Le précédent film de David Ayer, Fury (où Brad Pitt se balade en tank pour resituer), avait montré quelques capacités du réalisateur à gérer un film choral : où sont-elles passées dans Suicide Squad ?! Le film est bourré d’incohérences, essaye d’aller dans plein de directions différentes, ne laisse pas à ses personnages une chance d’exister autrement que par leur fonction… Et encore, je ne parle même pas de l’hyper-sexualisation du personnage d’Harley ! En résumé, c’est simplement insupportable !
Nouveau film, nouveaux pouvoirs ?
Il faut avouer que depuis ce Suicide Squad, sa nullité a été éclipsée par le bordel lié à la sortie du Justice League de Zack Whedon ou Joss Snyder, on ne sait plus ! L’univers cinématographique DC s’est depuis recentré sur des films solo allant du moyen amusant (Shazam!) au blockbuster assumé (Aquaman) en passant par un classique passe-partout (Wonder Woman). Ce nouveau film d’équipe donné pour être une suite et un reboot à la fois de la première incursion catastrophique sur grand écran était donc attendu au tournant.
Aux manettes de celui-ci, on retrouve James Gunn, le réalisateur qui a propulsé les Guardians of the Galaxy comme une équipe hyper tendance dans le MCU ! Warner a profité des atermoiements de Disney au sujet d’anciens tweets un peu limite déterrés par des internautes et qui avait ainsi écarté James Gunn de la réalisation du Guardians of the Galaxy vol. 3 pour embaucher le réalisateur sur ce The Suicide Squad. Il faut avouer que récupérer un réal’ star d’un gros film du MCU n’avait pas réussi à Warner précédemment (Joss Whedon qui passa de Avengers à Justice League…) et qu’en tant que spectateur, il fallait encore me convaincre…
Il y avait d’autres éléments qui pouvait m’inquiéter également : on retrouvait à l’affiche Joel Kinnaman, Viola Davis, Margot Robbie et Jai Courtney… Donc c’est véritablement une suite et non pas une page blanche sur laquelle on pourrait réécrire une meilleure histoire. Enfin, ce projet de suite, outre les mauvais retours sur le premier opus, semblait grandement compliqué avec une valse des réalisateurs prévus sur le film au départ : David Ayer, Mel Gibson, Jonathan Levine (Warm Bodies, Séduis-moi si tu peux), Daniel Espinosa, Ruben Fleischer (Bienvenue à Zombieland), Jaume Collet-Serra (Non-Stop, Sans Identité) et enfin Gavin O’Connor (Warrior, Mr Wolff)… Bref, malgré le nom de James Gunn retenu au final, ça ne sentait pas non plus hyper-bon !
Et donc ?
Allons-y tout de go : ce nouvel opus se place largement et très facilement en haut du top des films DC post-Nolan. L’humour est bien présent mais est également extrêmement bien dosé et varié, tantôt via de l’absurde, des situations rocambolesques et des résolutions de situation en forme de gag. Ca détend après la noirceur de la saga de Snyder. La réalisation est plutôt bien pensée et étudiée avec des idées comme des transitions très Eisner à mon goût en incluant les cartons « pendant ce temps-là », « maintenant », etc dans les décors ou un pré-générique enterrant discrètement le premier film avec classe et humour. Mais on retrouve également des scènes d’action originales qui n’ont pas l’air de sortir de n’importe quel blockbuster d’action sorti depuis 10 ans. Et enfin, une histoire qui à défaut d’être très maline se permet d’avoir un brin de sens, dictée par ses personnages !
On évite ici la construction très « automatique » de la plupart des blockbusters qui enchaînent les lieux communs, parfois avec un timing très similaire d’un film à l’autre. Ici, on suit les personnages, on les comprend et ce sont eux qui construisent l’histoire. Car ici, la Suicide Squad essaie simplement d’aller récupérer un extraterrestre très dangereux qui pourrait servir d’arme secrète à une dictature d’Amérique Latine : rien de grandement original mais les rebondissements sont pourtant là portés par les personnages avec un naturel déconcertant.
Etat des lieux
Le leader Deadshot joué par Will Smith a laissé sa place à Bloodsport interprété par Idris Elba qui trouve enfin un rôle à sa mesure dans un blockbuster depuis Pacific Rim. Les personnages qui sont de retour du dernier film ont enfin une réelle utilité et une vraie destinée, tandis que les nouveaux ajouts comme Ratcatcher, Peacemaker, Polka-Dot Man ou King Shark (doublé de manière très drôle par Sylvester Stallone) interagissent merveilleusement bien même si ce ne sont que des 3èmes couteaux ! Ajoutez à cela beaucoup d’acteurs qui naviguent dans la filmographie de James Gunn depuis bien longtemps comme Nathan Fillion (Castle, Firefly, The Rookie…), Sean Gunn (Gilmore Girls) ou encore Michael Rooker (Guardians of the Galaxy) qui passent une tête et l’on sent une véritable homogénéité dans cette distribution.
Enfin, James Gunn laisse libre court à son amour des films de genre avec certains personnages à la fois drôle et hideux (Weasel ou La Belette), du gore assez prononcé (il en tapisse des murs !) et des constructions de plan qu’on ne lui connaissait pas ! Le film est pop, surprenant et drôle : je dois vous avouer que j’étais loin d’imaginer un tel carton plein… Si je devais faire la fine bouche, je dirais tout de même qu’il manquera d’un véritable antagoniste pour donner encore plus de corps à ces personnages qui vivent (et parfois meurent) sous nos yeux.
Suicide Squad volume 3 ?
A l’heure où j’écris ces lignes, James Gunn est dans le camp adverse pour travailler sur Guardians of the Galaxy vol.3 après sa phase de « purgatoire » chez la Distinguée Concurrence. J’avoue que j’en viens presque à le regretter tant ce The Suicide Squad un peu crade, très drôle et surtout bigrement bien mené et mis en image m’inspire plus qu’un film Marvel édulcoré par Disney… Profitons et profitez de cette adaptation de comic-book avec une véritable identité : on est bien placé pour savoir que ça peut ne pas forcément se reproduire avant longtemps !