SÉDUIS MOI SI TU PEUX : romantisme 2.0
Des comédies romantiques on en trouve à la pelle, surtout en fin d’année, mais en 2019 sort la comédie romantique Séduis moi si tu peux (The Long Shot) réalisé par Jonathan Levine, à qui l’on doit le très amusant Warm Bodies.
Vous me direz, c’est une énième comédie romantique, quel intérêt d’en parler vraiment ? Et bien, c’est sur le synopsis assorti du casting principal que ma curiosité a été attisée pour tout vous dire. Un journaliste un peu loser qui retrouve par hasard une ancienne amie d’enfance, devenue Vice Présidente des Etats-Unis, et qui l’engage pour écrire ses discours en vue de sa future candidature à la présidence. Avec, dans les rôles principaux, Seth Rogen et Charlize Theron, deux acteurs que je n’aurais jamais cru voir un jour réunis dans un film à titre personnel.
Un casting réussi et équilibré
Avant d’aller plus loin sur Séduis moi si tu peux, il est à souligner, comme le dit le titre plus haut, qu’on a ici un casting plutôt bien équilibré et réussi. Les rôles secondaires, sans en faire des tonnes sont bien pensés et ne vont pas trop dans le cliché de base des films de ce genre.
On a le meilleur ami du héros, riche entrepreneur parti de rien qui lui met le pied à l’étrier dans son approche pour conquérir sa belle. Les membres de l’équipe de l’héroïne, dont June Diane Raphael et Ravi Patel, deux acteurs habitués des comédies qui forment ici un duo de consultants politiques sarcastiques et sceptiques sur l’arrivée du héros dans leur équipe.
L’antagoniste principal du film, un homme d’affaire véreux et corrompu, très désagréable à regarder, campé par un Andy Serkis grimé pour l’occasion et méconnaissable.
Quelques apparitions remarquées de Bob Odenkirk alias Saul de Better call Saul (visible en France sur Netflix), ou encore Lisa Kudrow (Friends) et un caméo des Boys 2 Men dont je soupçonne Seth Rogen d’en être l’instigateur. Oui, il nous avait fait le coup avec les Backstreet Boys déjà sur This is the end.
Têtes d’affiche
Nos héros eux, Seth Rogen et Charlize Theron forment un duo atypique et rafraîchissant. Exit le beau prince charmant, ici on a l’éternel adolescent de Seth Rogen alias Fred qui reste fidèle à son personnage qu’il joue à peu de nuances près dans toutes ses comédies avec sa bande de potes (James Franco, Jonah Hill, Jay Baruchel, Danny Mcbride etc….).
Certes, Rogen est un acteur que l’on a jamais vraiment vu jouer un rôle dramatique, son potentiel comique n’est pas à discuter si on aime le style d’humour de lui et sa bande, mais il reste le profil parfait pour incarner un adulte un peu gauche mais gentil, qui mène une vie triste de célibataire et dont le ciment est plutôt axé sur l’amitié que l’amour lui même.
Pour incarner Charlotte, une vice présidente ambitieuse et talentueuse, Charlize Theron est le profil parfait également. Elle incarne à merveille une femme que l’on qualifie de belle, qui impressionne par son charisme et son intelligence. On est loin ici du rôle féminin habituel de la femme sexy et potiche qui n’est là que pour attirer l’oeil d’un public masculin écervelé.
Les deux réunis forment un duo parfait, on sait que Theron est quelqu’un de relativement agréable dans la vraie vie, tout comme Rogen, et à l’écran ça se sent que les deux se sont entendus à merveille. L’alchimie entre nos deux protagonistes fonctionne brillamment et on s’amuse de Rogen qui apprends à être plus sérieux tandis que Theron apprends, elle, à plus se détendre face à la pression qu’elle subit par son travail.
Mais bien sur, une alchimie entre acteurs et un bon casting ne fait pas tout, encore faut-il que le film en lui même soit bon, car bien souvent, des films s’appuient sur les têtes d’affiches plutôt que le scénario (Coucou Expendables, on te voit).
Un scénario basique mais…
Le film est bel et bien une comédie romantique, deux personnes que tout séparent et que la vie réunit finissant par se séduire, bien entendu que la base de la rom-com est là, mais, il y a un mais !
Déjà on inverse le process, ici on part sur un homme dont la fille qu’il convoite paraît inaccessible, non pas parce qu’elle est la plus belle du lycée ou la Girl Next Door, non, parce que c’est carrément la Vice Présidente du pays… plutôt velu comme barrière à l’entrée vous en conviendrez !
Pourtant, le film amène nos protagonistes à se réunir d’une manière cohérente, Rogen est journaliste et Theron était sa nounou, à peine plus âgée que lui quand il avait 13 ans. Ils se rencontrent par hasard au détour d’une soirée mondaine ou le meilleur ami du héros l’y convie histoire de chasser ses idées noires après sa démission.
On voit très clairement la scission des deux mondes, notre héros est habillé en survet’, quand tout le monde est sur son 31, du coup le love interest est visible via une sorte d’aura amplifiée par les gens qui lui font des courbures politiciennes de base, et le héros, lui, est juste visible comme une tache sur un habit blanc. Leur manière d’être vu est radicalement opposée et amusante au cours de la scène.
La suite du film devient toute aussi intéressante, Charlotte l’aperçoit, demande à lui parler et ils échangent des banalités, dont celle qu’il est journaliste. Les deux personnages se saluent et rideau, sauf que Fred voit son ancien patron, Parker Wembley (Andy Serkis) et lui balance ses 4 vérités avant de partir et se vautrer lamentablement sous les caméras de tous les smartphone de la salle (le web 2.0 est très important pour l’histoire d’ailleurs).
Charlotte, suite à la chute mémorable de Fred, regarde un peu son travail et décide de lui donner une chance de travailler dans son équipe, ce qu’il accepte sous certaines conditions, à savoir de pouvoir y mettre sa patte, sachant qu’il est réputé pour ne jamais avoir la langue dans sa poche.
Les bases sont établis pour l’histoire, on apprend par la suite que Charlotte est en lice pour devenir candidate aux présidentielles soutenue par le président lui même, qui, étant de base un acteur de télévision, souhaite quitter la présidence pour se lancer dans le cinéma. On saluera du coup l’auto dérision et la petite pichenette à Trump de notre avocat favori, Saul (Bob Odenkirk). Toute la trame du film va se situer dans l’histoire d’amour vécue par nos héros que tout oppose et les ambitions professionnelles de Charlotte devant faire face aux obstacles sur sa route, qui, pour résumer, mettent à mal sa relation avec Fred, jusqu’au final inattendu et jouissif (le mot est bien choisi vous comprendrez en voyant le film d’ailleurs).
Séduis moi si tu peux : un film féministe ?
Mais alors me direz-vous, c’est juste un film comme Trop belle pour toi, ou The girl next door, où le héros trop nul va parvenir à séduire la plus belle fille sauf qu’on a mis ça sur un contexte politique.
Et bien c’est là que vous feriez fausse pistes chers amis, car le film est assez novateur dans le genre. Il brise les codes de la rom-com habituelle, ici la demoiselle en détresse c’est Fred, pas Charlotte (il dit lui même qu’il est Marilyn et elle Kennedy), et on n’est pas ici sur le scénario du rollercoaster émotionnel habituel à savoir : les héros s’opposent, ils se rencontrent et tombent amoureux, ils se disputent ou se séparent, ils se remettent ensemble dans un happy end mielleux à souhait. Non, pas ici, même si on reste sur ce genre de bases, on ne va pas attendre longtemps avant de voir nos héros s’embrasser, et c’est justement la relation entre deux personnes que tout oppose mais qui sont attachantes que va se poser la base de l’histoire.
Le film va s’orienter sur Fred qui est impressionné par Charlotte, en gros, elle lui apporte la maturité qu’il n’a pas, et il lui apporte l’immaturité dont elle a besoin pour relâcher la pression. Nos deux tourtereaux vont totalement s’accorder et le film va nous amuser sur la construction de leur relation qui va se sceller de plus en plus, jusqu’au rebondissement final inattendu et assez trash pour conclure sur un post-générique très avant-gardiste et dans l’ère du temps par rapport à l’émancipation de la femme et de son accès à l’égalité par rapport aux hommes.
Bien entendu, ne vous attendez pas ici à une comédie romantique classique, ou un film comique hilarant si vous aimez la filmo de Rogen, là vous serez sur un entre deux, bien dosé et équilibré dont le message explicite nous emmène sur un fantasme égalitariste qu’on aimerait bien devenir réalité, et dont on sait qu’il n’a jamais été aussi près de se réaliser. L’ensemble du film est drôle, parfois un peu graveleux (Seth Rogen forcément) mais Séduis moi si tu peux a le don de rendre les personnages plus humains, attachants et moins cliché que dans d’autres films, on a ici affaire à des gens normaux en quelque sorte, et Charlotte, à la fin le dira elle même, Fred est un homme normal et ce qu’il fait, vous le faites tous.
Bref, une comédie sympathique, qui sans révolutionner le genre, apporte une jolie touche de fraîcheur et de bonne humeur en ces temps où le cinéma ne jure que par des biopics et des remakes / reboots de franchises.