THE WIRE : Baltimore and more
J’aime bien regarder des séries longtemps après tout le monde. Ca me permet de m’y plonger sans la hype un peu énervante (si vous pensez à Game of Thrones, vous avez bien deviné) qui en plus a tendance à être déceptive si cette hype est vraiment trop forte. Et parfois on attend tellement que cette série mise de côté devient parfois un “classique”, ou tout du moins une série que l’on prend en référence (même en ne l’ayant pas vue !). Je me suis enfin mis à regarder SUR ECOUTE, ou en version originale THE WIRE, diffusée de 2002 à 2008 sur HBO. Plus de 10 ans après la fin de la série : c’est un joli score !
À qui profite le crime ?
La série traite de la criminalité à Baltimore au sens très large. Elle balaye les points de vue et les vies de nombreux habitants : les flics et les dealers en premier lieu, puis cela s’étend à toutes les classes avec des fournisseurs et des dockers, des politiques, des médias, etc… On notera le réalisme exacerbé de la série qui traite ses problématiques et ses personnages avec leurs forces mais aussi leurs côtés plus honteux (l’avidité, l’infidélité, la cruauté…) quelque soit le côté de la barrière où ils se trouvent.
A l’origine de ce réalisme cru, on retrouve les créateurs de la série : David Simon était journaliste au Baltimore Sun et avait déjà écrit les ouvrages à l’origine des séries The Corner pour HBO et surtout Homicide pour NBC (diffusée sur Série Club chez nous) et Ed Burns a été inspecteur de la brigade criminelle à Baltimore pendant environ 20 ans. On comprend aisément qu’avec un tel CV, ils ont su dépeindre assez efficacement la réalité du terrain.
Les hommes au coeur de THE WIRE
THE WIRE est par essence une série chorale qui ne choisit pas réellement de “camp” en accompagnant en détail tant les policiers que les criminels. Au casting, on retrouvera Dominic West (The Affair) en point d’entrée du côté des flics et Idris Elba (Luther, Pacific Rim, Thor) en point d’entrée du côté des bandits mais beaucoup de gueules du petit et du grand écran ont participé à cette fresque humaine : Michael B. Jordan (Creed, Black Panther), Lance Reddick (Fringe, John Wick), Wendell Pierce (Suits), John Doman (Gotham, Borgia, Person of Interest), Method Man, Chris Bauer (True Blood), Aidan Gillen (Game of Thrones) et le regretté Michael K. Williams…
Les principales qualités de THE WIRE, outre ses personnages aux personnalités assez riches, sont son réalisme et sa densité. Elle dépeint une Baltimore impitoyable du début à la fin quelque soit le camp concerné. Que ce soit au détour d’une fusillade, d’un match de basket, d’un moment de chill dans la rue ou dans une salle d’interrogatoire, les personnages et les situations sonnent “vrais” comme jamais. La raison à cela est sans doute l’approfondissement permanent des idées. Cela vire parfois même à l’étude sociologique ou au pamphlet politique au détour de ce qui n’est censé être qu’une simple opération de mise sur écoute de criminels par des flics…
Dommages collatéraux
La guerre contre la drogue lancée des dizaines d’années auparavant par Nixon ? Le flic Ellis Carver, pourtant peu malin, la balaie dès le premier épisode de la série car si c’en était vraiment une : “les guerres se terminent”. De son côté, Brother Mouzone au cours de la saison 2 préfigurera dès 2003 les préoccupations Black Lives Matter, malgré le fait qu’il soit du côté des tueurs, en indiquant que la chose la plus dangereuse aux USA, ce serait un “n*gro avec une carte de bibliothèque”. Même le capitalisme en prend un coup au détour d’une partie de poker en 4e saison : “l’argent n’a pas de propriétaire, juste des gens pour le dépenser”. Les moments forts et les répliques affûtées se succèdent d’épisodes en épisodes, comme l’on déroule un tapis rouge à l’intelligence et à la sensibilité du spectateur.
La vision véhiculée par la série de l’Amérique n’est pas du tout celle qui vante habituellement l’American Way of Life dans les autres productions audiovisuelles aux USA. Ici, on touche du doigt la crasse, les morts, la pauvreté, les arrivistes, les impuissants et les homophobes. Baltimore est ici un vrai terrain de “jeu”. Et ce “jeu” c’est le trafic de drogue au cœur de la lutte entre criminels et policiers mais aussi de la vie des riverains et des intérêts des politiques. Tout le monde est concerné dans THE WIRE sans vraiment l’être.
La principale qualité de THE WIRE
Alors, est-ce que je comprends cette hype dont je parlais au début, le statut de classique de cette série ? Malgré mes craintes en démarrant le 1er épisode et une 5ème saison un poil plus faible, je dois avouer que oui. J’ai cherché les raisons. Et j’imagine que la meilleure explication, outre ses qualités techniques, est que THE WIRE touche à l’universel et à l’humain parfaitement. Elle ne s’enferme pas dans un genre particulier (polar, procédural, etc). Elle ne se définit pas par l’empreinte d’un réalisateur connu (à l’inverse de Twin Peaks avec David Lynch par exemple). Et surtout elle semble être à deux pas du documentaire en permanence avec un certain naturalisme dans la peinture de Baltimore qu’elle propose.
Et je ne parle même pas de la densité de chaque épisode où l’on peut creuser à chaque visionnage une réplique, un instant volé, un regard que l’on n’avait pas vu au départ. Il est très rare qu’une série me touche réellement (ce n’est pas sale dans ce cas précis) et THE WIRE y est parvenu, souvent par ses personnages, parfois par ses images ou ses répliques mais toujours en évitant de me pré-mâcher ma réflexion. Une gageure quoi !