MORT À 2020 : cyniquement drôle ?

DEATH TO 2020. KEITH BERNSTEIN/NETFLIX © 2020
DEATH TO 2020. KEITH BERNSTEIN/NETFLIX © 2020

Il est des fois où la réalité dépasse la fiction. Et l’année 2020 qui vient de se terminer est sans doute la meilleure illustration de ce propos avec notamment une pandémie pas piquée des hannetons. Pour une fois, faire le bilan (calmement) de cette année imprévisible a tout d’un récit épique avec moults rebondissements. C’est donc le vrai-faux documentaire Mort à 2020, scénarisé (mais pas tant que ça), qui sert d’exutoire à ceux que cette satanée année a traumatisé.

MORT À 2020 : critique british

À l’origine de l’exercice, outre une année très particulière, il y a Charlie Brooker. Le marketing de Netflix et beaucoup d’articles ne retiendront de lui que « par les créateurs de Black Mirror » mais ce scénariste satyrique est également un animateur à la télé qui chronique régulièrement l’actualité et qui avait pour Channel 4 annualisé le concept de 2010 à 2016 dans Charlie Brooker’s 20xx Wipe. On retrouve évidemment de cela dans Mort à 2020 et sa chronique acide de l’actualité de 2020.

Dans la forme, il s’agit d’un mockumentaire. En gros, c’est un documentaire où les intervenants ne sont pas de vrais protagonistes de l’histoire racontée et qui en général les parodient en caricaturant leurs traits principaux. Et d’ailleurs, le casting est assez impressionnant pour ce type de projet ! Jugez du peu : Samuel L. Jackson, Hugh Grant, Lisa Kudrow et je passe sous silence d’autres visages connus comme celui de Kumail Nanjiani (The Big Sick, Silicon Valley) par exemple. J’ajouterai également que le narrateur de Mort à 2020 n’est autre que Laurence Fishburne (oui, Morpheus de Matrix ou, plus récemment, le grand-père dans la série Black-Ish).

Hugh Grant méconnaissable dans Mort à 2020
Hugh Grant méconnaissable dans Mort à 2020

Un casting tourné en ridicule

Pour ce qui est du fond, Mort à 2020 récapitule dans un ordre à peu près chronologique tout ce que 2020 nous a réservé comme « surprises ». Pas toujours surprenante dans les faits mais majoritairement déplaisante, 2020 a enchaîné incendies records, Brexit, bouffonneries Trump-iennes, pandémie mondiale, mise en avant des violences policières envers les Noirs, et j’en passe ! Et il est vrai qu’un simple listing de ces évènements suffirait presque à nous ébahir pendant plus d’une heure si on ne l’avait pas soi-même vécu (en vrai ou devant son écran).

Les divers protagonistes évoqués plus haut servent à mettre en perspective ces évènements dans leur ridicule inquiétant comme dans leur mauvaise foi tout aussi problématique. Ils sont des vecteurs humoristiques comme quand le personnage de Lisa Kudrow nie tout fait contredisant ses convictions politiques (à géométrie variable) ou quand celui de Hugh Grant montre que tout spécialiste n’en reste pas moins un être humain avec parfois de sacrés défauts éthiques ou racistes. Le seul personnage échappant à la critique ouverte est celui de Samuel L. Jackson, comme un Monsieur Loyal intouchable dans ce cirque de fous, malheureusement très proches de leurs modèles réels.

Lisa Kudrow en républicaine très "virevoltante"...
Lisa Kudrow en républicaine très « virevoltante »…

Anti-complotiste mais pas une catharsis

L’exercice est maîtrisé. Le ton est acide et le malaise est d’autant plus grand que la réalité est extrêmement proche de ce récit. Le monde des fake news est particulièrement mis en perspective par l’ensemble de Mort à 2020 : Trump a-t-il réellement dit ça ? L’Ukraine existe-t-elle vraiment ? Hugh Grant a-t-il autant vieilli ? Bref, la succession de faits réels et de ceux imaginés pour le mockumentaire conforte la vision d’un monde où la réalité est extrêmement déformée par les médias, les réseaux sociaux, les complotistes et les hommes politiques.

Cynique à souhait, Mort à 2020 inquiète autant qu’il rit de ses personnages archétypaux et de ces évènements qui se sont réellement produits (ou pas, diront les complotistes). Les blagues ne font pas mouche à tous les coups mais l’ensemble fonctionne en général. Néanmoins, ne vous attendez pas à évacuer toute la rancœur, la peur ou les énervements qu’a pu vous susciter 2020 ! D’abord parce que c’est une année trop particulière et surtout trop récente pour l’effacer ainsi avec un film d’1h10 le 28 décembre de cette même année, et ensuite car elle ne couvre évidemment qu’une infime partie du monde : le Royaume-Uni d’où viennent ses réalisateurs et les Etats-Unis d’où sont venues le plus grand nombre d’informations tordues dont on aime se moquer…

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *