Du beau monde EN THÉRAPIE

En Thérapie sur Arte
En Thérapie sur Arte

Quitte à passer pour un connard élitiste ou un bobo prétentieux sur ce coup, j’aime bien la programmation séries d’Arte et de leur plateforme Arte.TV. On y trouve pas mal de séries britanniques ou nordiques originales, parfois plus décalées ou plus dures à appréhender, mais également des séries françaises plus ambitieuses que certains programmes plus « tous publics » des autres chaînes. Donc aux côtés de The Killing, de Il Miracolo, de 50 Nuances de Grecs ou de Inside n°9, on retrouve désormais En Thérapie, l’adaptation française du concept israélien de 2005 BeTipul.

Le casting de En Thérapie
Le casting de En Thérapie

Psycho vs Psychose

On retrouve le quotidien du psychanalyste Philippe Dayan, au lendemain des attentats du Bataclan, à travers ses entretiens avec ses patients, ainsi que celui avec sa propre thérapeute. Chaque semaine se succèdent, à travers cinq épisodes d’une trentaine de minutes, quatre patients réguliers : une jeune chirurgienne, un agent de la B.R.I., une adolescente victime d’un accident et un couple en crise, ainsi que sa contrôleuse, amie et veuve de son ancien mentor.

La série repose quasiment uniquement sur les échanges dans l’intimité du cabinet de ce psychanalyste entre le patient et le praticien, et qui s’étend à peine à la vie intime de Philippe Dayan en proie à ses propres doutes. J’avoue que le côté mini-huis clos de 30 minutes sur une séance de psychanalyse par épisode m’a d’abord effrayé : ne serait-ce pas juste… ennuyeux ?! C’est un peu pour cela que je n’avais auparavant jamais jeté un œil à la version américaine de ce concept, In Treatment (ou En Analyse en VF), produit pourtant par HBO durant trois saisons dès 2008 avec l’acteur Gabriel Byrne dans le rôle du psy, et pourtant récompensée par quelques prix du genre Emmy Awards ou Golden Globes.

En thérapie... de couple
En thérapie… de couple

En Thérapie : adaptation made in France

Et comme quoi, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! Car je me suis plongé dans En Thérapie avec une certaine satisfaction. Eric Toledano et Olivier Nakache, le duo responsable de films de grande qualité à mes yeux : Intouchables, Samba, Le Sens de la Fête ou encore Hors Normes, dirigent l’adaptation. Et ils sont suppléés sur certains épisodes à la réalisation par Pierre Salvadori (En liberté !) et Nicolas Parisier (Alice et le maire) : pas des manches non plus ! De même, si les histoires sont sans doute calquées sur la version originale, l’idée de placer la série dans le contexte des attentats de 2015 est assez brillante de base. Il y a un aspect un peu cathartique lors du visionnage (et sans doute bien plus pour les habitants de Paris, j’imagine).

Mais si les histoires sont bien pensées, l’extrême point fort revient au casting extrêmement qualitatif. Du côté des patients, on retrouve Mélanie Thierry (vue dans Largo Winch et Babylon A.D., révélée dans La Princesse de Montpensier de Tavernier, mais à jamais pour moi la fille que l’on voit dans le clip du Pire et le Meilleur de FFF) dans le rôle de la chirurgienne. L’agent de la B.R.I. est interprété par Reda Kateb, brillant acteur dans Hors Normes du duo Toledano-Nakache, Hippocrate ou encore dans le biopic Django.

Mélanie Thierry dans En Thérapie
Mélanie Thierry sur le divan

Frédéric Pierrot à l’honneur

Si on ajoute à cela Pio Marmaï en mari jaloux, Carole Bouquet dans le rôle de sa contrôleuse, mais également Clémence Poésy (vue dans Harry Potter dans le rôle de Fleur Delacour mais plus récemment dans Tenet) et la jeune mais néanmoins brillante Céleste Brunnquell, le listing est déjà assez prestigieux. Néanmoins, le meilleur point d’ancrage dans la série et sans doute sa plus grande « force tranquille » est l’interprète du Dr Dayan : Frédéric Pierrot. De mémoire, je ne l’ai croisé sur un écran que dans trois long-métrages auparavant mais dans des rôles plus secondaires : Polisse de Maïwenn, Jeune et Jolie de François Ozon et dernièrement Hors Normes (décidément, on sait où le casting a été recruté…).

Ici, sa palette dramatique me semble décuplée. D’abord dans ses silences et son écoute dans les premiers épisodes, l’expressivité de son visage suffit à faire jeu égal avec la palette bien plus large des acteurs qui occupent le divan avec leurs histoires qui se dévoilent et un temps de parole mécaniquement plus long. Mais quand le docteur commence à se dévoiler, d’abord chez sa propre thérapeute puis en confrontation avec ses patients, le jeu de l’acteur prend de l’ampleur et tire l’ensemble de la série vers le haut en dévoilant ses propres fragilités, remettant en cause sa pratique et son éthique.

Le Dr Dayan
Le Dr Dayan

En Thérapie : et en qualité ?

Le scénario souffre seulement de deux écueils qui pourraient laisser quelques spectateurs sur le bord de la route. Le premier est assez évident :  la série est assez verbeuse et en devient parfois hautaine et exigeante. Et pour le second point, c’est plus pernicieux : il s’agit d’un mélange entre la volonté de cocher toutes les cases des poncifs de la psychothérapie et le fait que cela ne fonctionne pas aussi bien d’une méthode à l’autre, d’un profil de patient à un autre… Et cette liste à la Prévert des méthodes ou des problèmes entraîne parfois un déséquilibre dans le récit global et notre sensibilité envers celui-ci.

Enfin, si j’ai cité les noms de Toledano et Nakache porteurs auprès du grand public et ainsi avancés par la production et le diffuseur pour promouvoir la série, il faut néanmoins attribuer également du mérite aux scénaristes David Elkaïm et Vincent Poymiro qui ont su adapter au contexte post-Bataclan et à l’environnement français le concept. Leur rôle a été d’ailleurs l’objet d’âpres négociations qui ont un peu tourné au vinaigre pour eux : au cœur d’une polémique sur la précarité des scénaristes fin 2020 en lien avec leurs négociations pour être crédités de showrunners de la série, ils viennent d’annoncer leur départ de la série qui a pourtant été renouvelée pour une saison 2.

Malgré cette polémique et quelques petits défauts, En Thérapie mérite largement le visionnage et en plus c’est dispo gratuitement sur Arte.tv, l’occasion de tester !

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *