90’s : I’m a skate-man
Vous vous souvenez de Jonah Hill ? Oui, celui qui vous a fait rire dans les productions de Judd Apatow comme SuperGrave (Superbad en VO) ou Funny People, ainsi que dans les adaptations de la série 21 Jump Street avec Channing Tatum. Il a donné à sa carrière depuis quelques années un virage dramatique avec sa participation au Loup de Wall Street de Martin Scorsese ou au War Dogs de Todd Phillips. Aujourd’hui, ce sont ses débuts derrière la caméra qui nous intéressent avec 90’s (ou Mid90s en VO – pourquoi encore un changement de titre aussi inutile pour la France ?!).
Une plongée dans les 90’s
Photographie avec du grain et image en 4/3 du côté de la forme, skate-boards, parure de lit Tortues Ninja, CD du Wu-Tang à l’écran… On est directement plongés dans le milieu des années 90, c’est certain ! Dans un Los Angeles de l’époque, on va découvrir l’été du jeune Stevie qui, du haut de ses 13 ans, va intégrer une bande de skateurs. Ces adolescents plus âgés que lui vont l’aider à passer cette période de sa vie jusqu’ici coincée entre sa mère relativement absente et son grand frère assez violent.
Cette bande de skateurs est interprétée par des acteurs débutants qui ne déméritent pas ! Na-kel Smith (Ray dans le film) et Olan Prenatt (qui interprète Fuckshit) sont notamment assez brillants dans leur registre. Mais l’acteur choisi pour jouer Stevie brille encore plus par sa présence ! Sunny Suljic n’en est pas moins à son 5ème film malgré son jeune âge ! Il a surtout été remarqué par son rôle dans Mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos en 2017 où il joue aux côtés de Colin Farrell. Ici son regard suffit à illustrer les pensées de ce personnage principal mutique et en pleine transition adolescente.
Chronique d’adolescents des 90’s
Cette tranche de vie permet de voir l’importance de la bande, une meute si l’on préfère l’analogie animalière, dans la construction adolescente. Ici Stevie doit demander conseil, s’intégrer en faisant ses preuves puis maintenir sa place et son lien avec le groupe. Cela mène l’adulte en devenir à faire des bêtises et à remettre en cause l’autorité des personnes plus âgées, jusqu’à savourer certaines victoires comme une semi-perte de virginité. Mais également à prendre conscience entre conseils, échecs manifestes et malheurs issus d’erreurs de jugement liées au manque d’expérience, des limites à ne pas franchir.
90’s dépeint à travers les trajectoires d’adolescents à différents stades de leur évolution et au final assez peu semblables entre eux, permettant ainsi aux spectateurs d’identifier la plupart des « croisées des chemins » possibles durant cette période très identifiée. En effet, tourné un peu à la manière d’un documentaire, ceux qui auront pu vivre les années 90 adolescents ou adultes reconnaîtront le langage châtié qui utilisait le mot « gay » comme une insulte courante en comparaison de la relative acceptation des années 2000. Ces tics de langage malheureux n’ajoutent qu’à l’authenticité de cette période imparfaite. Les simples gimmicks visuels évoqués plus haut n’auraient pas su rendre parfaitement.
Authentique, adolescent… et triste ?
Si l’adolescence, les 90’s et l’importance du monde du skate-board sont très bien reproduits à l’écran, il n’y a guère de plaisir formel dans la trajectoire des héros. On ressent le besoin de liberté des protagonistes mais, peut-être à cause de notre regard d’adulte, on voit vite le drame approcher. Très naturaliste, le long-métrage mène forcément de l’enfance à l’âge adulte et son sens des responsabilités. C’est un peu le principe de l’adolescence à la fois parenthèse enchantée d’inconscience et d’irresponsabilité et difficile enchaînement d’épreuves de sociabilisation, d’évolution hormonale et de prise de conscience de l’environnement de vie.
90’s jouera, même si ce sera au final de manière assez simpliste, sa partition jusqu’au point de bascule. Le film laissera ainsi échapper le côté Madeleine de Proust à une morale bien plus adulte. Ray la dicte même dans le film « Tu n’échangeras pas ta vie contre la leur ». On errera au son de la bande originale de Trent Reznor et d’Atticus Ross entre la nostalgie et la mélancolie du début à la fin du film en se remémorant les bonheurs et douleurs de cette époque tant pour les héros du 1er film de Jonah Hill que pour notre propre adolescence.