RADIOACTIVE : Quand Rosamund rencontre Marie…
Radioactive est encore un nouveau biopic pondu par Hollywood, mais cette fois-ci on va parler d’une biographie sur une femme que j’admire personnellement, à savoir Marie Curie.
Ce film a été réalisé par Marjane Satrapi, un nom quasi inconnu pour moi mais c’est une réalisatrice primée à Cannes pour Persepolis et également une autrice de BD à succès telles que Persepolis justement (elle a adapté en film sa propre oeuvre).
Le long-métrage est quelque peu passé inaperçu par chez nous à l’heure où j’écris ces lignes. En effet, il est sorti à peine 6 jours avant le début du confinement du 17 Mars 2020. Cela lui a laissé peu de chances de se faire connaître, d’autant que sa promotion a été plutôt discrète.
Radioactive : l’amour de la science à travers l’amour de deux personnes
Bien que Marie Curie soit franco-polonaise, elle fut naturalisée française via son mariage avec Pierre. Le film, lui, est Britannique et tout notre petit monde parle anglais. Il est notamment basé sur le roman graphique Radioactive : Marie & Pierre Curie, A Tale of Love and Fallout de Lauren Redniss, ce qui explique sans aucun doute son style sombre justement, que nous allons développer.
Au casting on retrouve des acteurs britanniques forcément, dont la très connue Rosamund Pike (Gone Girl, The World’s End, Die Another day) pour incarner Marie Curie, et Sam Riley (Maléfique 1 et 2) pour incarner Pierre Curie. Le reste du casting est surtout composé d’acteurs peu connus par chez nous.
Radioactive nous décrit la vie de Marie Curie à travers plusieurs ellipses temporelles très bien amenées. L’histoire débute directement quand Marie est déjà une scientifique connue qui a dores et déjà entamé ses travaux sur le radium à Paris. Le film va donc nous conter sa rencontre avec Pierre et surtout sa collaboration avec lui.
Un couple moderne ?
On connait tous cette phrase qu’aurait dit Marie à quelqu’un qui lui a demandé “Qu’est ce que cela fait de vivre avec un génie” et sa réponse “Demandez donc à mon mari”. Cette petite phrase, bien que non transposée ici dans le long métrage, fait écho quand on voit à quel point la réalisatrice a su filmer avec justesse le fait que Pierre s’est intégré dans les études de Marie à titre collaboratif, sans jamais dénigrer son travail, au contraire, en la soutenant toujours et en la portant souvent au delà même d’un pied d’égalité vis à vis de lui.
Pierre était fier de sa femme et ses travaux, et le film retranscrit bien cela, jusqu’à son désarroi de ne pas la voir à ses côtés lors de la remise du prix nobel par exemple.
Le film ne nous dépeint donc pas une femme faible ! Bien au contraire, on ressent la force de caractère de Marie, sa fierté notamment, n’hésitant pas à rentrer dans le lard de ceux qui veulent lui barrer la route. Néanmoins, le film parvient à nous la montrer sous les traits d’une femme amoureuse, qui aura donc deux grands amours, la science et son mari.
Après l’âge de Pierre (Curie)
Malheureusement, Pierre se fera renverser par une calèche et mourra brutalement le 19 avril 1906 laissant une Marie Curie très éprouvée. Celle ci continuera ses recherches sans relâche, toujours avec une pensée tendre pour lui.
Radioactive nous fait donc un avant et un après, la suite du film post-Pierre Curie nous montre en gros la suite de ses travaux jusqu’à son prix nobel (elle sera la 1ere femme à en avoir un d’ailleurs) et aussi à ses travaux avec sa fille Irène, future épouse du très connu Fréderic Joliot-Curie, avec qui elle aura elle aussi un prix nobel en 1935, soit un an après la mort de sa mère.
Pour l’anecdote, Eve Curie, sa seconde fille, peu présente dans le récit, deviendra écrivaine, entre autres, avec la biographie sur sa mère qui lui vaudra un grand succès et une première adaptation sur grand écran en 1943. Eve fut une femme très active dans l’humanitaire qui s’est éteinte assez récemment, à l’âge de 102 ans en 2007.
L’histoire va surtout se conclure, sur le point de vue narratif, sur une sorte de passation de flambeau avec Irène, sa fille, et pas sur la fin de sa vie, bien qu’elle soit affichée très explicitement.
Radioactive : émouvant et passionnant
Pour parler du film en lui même, Rosamund Pike sublime le rôle à mes yeux. On sent la détermination, la froideur mais aussi le désarroi dans son regard. Beaucoup de choses passent dans son regard justement et l’on comprend le choix de cette actrice pour un tel rôle. Elle joue juste, ne part pas dans un élan d’Actor’s studio mélodramatique pour obtenir un Oscar. Non, Rosamund joue une Marie Curie parfaite.
Les seconds rôles, bien que mis un peu de côté par le personnage principal, sont de bonne facture. On regrettera peut être un Pierre Curie un poil trop terne par rapport à Marie, non pas dans un sens d’égalité mais de profondeur du personnage et de son dévouement pour les travaux de sa bien-aimée.
Le long-métrage démarre par la fin de vie de Marie en fait. Elle se trouve à l’hôpital, à 66 ans, sur le point d’être emportée par une leucémie dûe à sa trop forte exposition au radium. On verra tout au long du film d’ailleurs, qu’elle porte la mort avec elle à chaque instant, puisque le radium était toujours avec elle dans une fiole. Pierre sans son accident aurait bien entendu probablement subi le même sort.
La photographie est très sombre, à part une scène en nature lors d’un pique nique en amoureux. Tout le reste de Radioactive est peu lumineux, ce qui peut en soit gêner certains, mais qui reste un choix intelligent car dès que Marie nous sort sa fiole de radium, celui-ci irradie d’une couleur verte fluo intense. L’astuce visuelle permet de mieux comprendre à la fois l’enjeu terrible et merveilleux du contenu de cette petite fiole lumineuse.
Concordance des temps
Le film nous dépeint en vérité la vie qui défile devant les yeux de Marie au moment où elle s’éteint. Chaque souvenir est entrecoupé d’un court instant de la Marie plus vieille sur son lit d’hôpital (qu’elle craignait par dessus tout pour l’anecdote), avec, de temps en temps, une scène plus contemporaine permettant de voir à quoi ont abouti ses recherches.
Ces petites scènes sont très bien implantées dans le récit. Le montage est du coup parfaitement bien dosé. Cela oscille entre souvenirs de la vie de Marie, passages sur sa lente agonie, et scènes hors contexte mais permettant de visualiser les résultats de ses travaux. Cela donne en quelque sorte, un petit côté ludique pour que le spectateur comprenne l’importance historique du personnage.
Les séquences hors contexte nous montreront, entre autres, une personne soignée pour son cancer ou encore le largage de la bombe d’Hiroshima. Ces passages permettent donc de visualiser à la fois les bienfaits et les méfaits de l’utilisation de cette technologie issue des travaux des époux Curie, sans pour autant prendre un parti pris, mais nous laissant quelque peu hagards de voir que l’homme est capable du pire comme du meilleur et cela, en un clin d’oeil.
Somme toute, Radioactive est un très bon film. Il est un peu lent parfois, sombre pour ceux qui ont besoin de plus de lumière, et n’ayant peut être pas assez approfondi certains personnages secondaires. Il n’en reste pas moins que le film décrit assez justement la vie de cette grande scientifique avec une très belle fin, émouvante et intelligemment amenée, nous faisant d’ailleurs voir que pour donner tant de justesse dans la manière de filmer une telle personnalité, il fallait une femme derrière la caméra et rien d’autre.
