L’APPEL DE LA FORET : bonne pioche ?
L’Appel de La Forêt, ou The Call of The Wild dans la langue de Shakespeare, est à l’origine un court roman d’aventure publié en 1903 aux Etats-Unis. Signé de la plume de l’auteur californien Jack London, à qui l’on doit également Croc-Blanc (ou White Fang en version originale) publié 3 ans plus tard, le roman situe principalement son intrigue au Canada, dans le Yukon, à la fin du XIXe siècle à l’époque de la Ruée vers l’Or dans la région. Le héros principal est en fait un animal, un chien nommé Buck, kidnappé dans un ranch de Santa Clara en Californie pour devenir par un concours de circonstances chien de traineau en Alaska. Le principal propos de l’histoire implique le progressif retour d’un animal domestique à son état sauvage.
La première publication de cette histoire a été sous la forme d’épisodes dans The Saturday Evening Post à l’été 1903 avant une édition intégrale la même année. Mais dès 1923, le cinéma s’empare de cette histoire pour la première fois pour un film muet et les adaptations se sont ensuite succédées avec des distributions relativement luxueuses. Jugez plutôt : la version de 1935 s’est octroyée Clark Gable, celle de 1972 Charlton Heston et dans un téléfilm de 1997, on retrouve Rutger Hauer au casting et l’histoire y est contée par Richard Dreyfuss !
Casting solide pour L’APPEL DE LA FORET
Du coup, voir Harrison Ford en 2020 aux côtés d’un chien en motion capture dans une nouvelle version des aventures de Buck dans le Yukon ne semble pas trop détonnant. Bien sûr, l’acteur est plutôt dans une phase que je qualifierai poliment de « compliquée » avec des choix qualitativement très discutables depuis une quinzaine d’années. En effet, si on récapitule : la trilogie Star Wars par Disney, Expendables 3, La Stratégie Ender, Cowboys et Envahisseurs, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal… On ne peut pas dire qu’il brille dans L’Appel de la Forêt mais il dépasse un peu son mode cachetonnage qui entache son palmarès ces derniers temps.
Bien que le reste de la distribution reste assez qualitative sur le papier, c’est surtout Omar Sy qui se fait remarquer à l’aide d’un capital sympathie certain et un temps à l’écran suffisant car Bradley Whitford (A la Maison Blanche, Perfect Harmony, Dans l’Ombre de Mary) et Karen Gillan (Doctor Who, Jumanji, Avengers : Endgame) ne font que de toutes petites apparitions. Et enfin, Dan Stevens a vraiment un rôle trop caricatural mais j’y reviendrais… La part belle est surtout donnée à l’animal en image de synthèse qui est globalement réussi et extrêmement expressif, ainsi qu’aux décors eux aussi en CGI pour la plupart ! On pourra déplorer que les prises de vues n’aient pas été faites au Canada mais il faut avouer que le résultat est assez bluffant esthétiquement !
Une réalisation de bête ?
On peut imaginer que le fait que le réalisateur soit Chris Sanders a sans doute joué dans les choix techniques, mais également dans le réalisme et l’anthropomorphisme des personnages. Il s’agit là du premier film de sa filmographie qui ne soit pas un film d’animation. Et ce réalisateur a préalablement brillé dans l’usage de personnages animaliers ou extraterrestres non doués de parole ou de langage compréhensible dans les films qu’il a écrit et réalisé précédemment : Lilo et Stitch chez Disney et Dragons et The Croods chez Dreamworks ! Beau CV, n’est-ce pas ?!
L’ensemble de la réalisation est globalement dynamique et maîtrisée. Cela enchaîne course contre la montre, combat d’animaux, moments plus contemplatifs, humour, etc avec une fluidité assez agréable même si certaines ellipses dans son dernier tiers sont un peu dérangeantes, pour la construction de la relation entre Buck et son maître et surtout avec un « méchant » pareil.
Pas bien méchant !
En effet, j’ai dit que j’y reviendrais mais le personnage de Dan Stevens (qui peut pourtant être un acteur de talent à la télévision dans Downton Abbey ou Legion par exemple) est assez mal servi dans les films commerciaux au cinéma. Après son rôle de la Bête dans l’adaptation live de La Belle et La Bête de Disney extrêmement quelconque par exemple, le voilà dans un rôle de méchant ultra caricatural. Il n’y a aucune réelle motivation de ses penchants violents excessifs à part une avidité, un maquillage et un costume ridicules. Sans parler d’une posture de méchant capillotractée : « je viens de te croiser et c’est forcément toi qui est responsable du fait que je ne trouve pas d’or car toi avec ton chien, vous savez où se trouve le trésor » !
Bref, du ridicule puissance 10 ! Cela m’a un peu gâché la fin du long-métrage, d’autant plus qu’il s’agit également d’un ajout « politiquement correct » en regard du roman où l’antagoniste de la fin de l’histoire est une tribu d’indiens, et non un simple gars qui poursuit le chien et son maître au fin fond du Yukon…
Du poil de la bête ?
On notera enfin qu’il s’agit du premier film 20th Century Studios à sortir en salles après le rachat de la Fox par Disney. Quel sentiment étrange sans voir le nom Fox quand retentit au début du film la 20th Century FOX Fanfare ! Pour conclure, malgré cette fin en demi-teinte, L’Appel de la Forêt est globalement agréable et familial dans son ensemble avec néanmoins des thèmes assez originaux pour le genre (retour à l’état sauvage, deuil du fils, avidité excessive…) notamment avec également pour cible le public enfantin. On ne peut pas dire que l’essai soit totalement transformé pour le passage au film live pour Chris Sanders. Mais on retrouve ses thématiques et le résultat n’est pas honteux non plus, juste très Disney-ien…