ASTERIX : IRIS BLANC mais pas jaune
À vrai dire, Asterix n’a clairement pas besoin de moi pour qu’on parle de lui ! Outre de nombreux films (live ou d’animation), jeux vidéo et autre, cette BD made in France reste l’un des best-sellers de la catégorie avec pour son 40e album L’Iris Blanc un tirage mondial à pas moins de 50 millions d’exemplaires !
À l’origine de cette BD, il y a un duo : le scénariste René Goscinny et le dessinateur Albert Uderzo, désormais tous deux décédés. René Goscinny, fils d’un père d’origine polonaise et d’une mère ukrainienne, a vécu sa jeunesse en Argentine avant d’aller tenter sa chance aux Etats-Unis à New York. Pas beaucoup de succès pour cet auteur débutant mais il fera quelques travaux mineurs pour l’équipe du journal de BD satirique Mad. Il s’envolera 5 ans plus tard pour Bruxelles où il rencontrera Jean Michel Charlier, futur scénariste des BD Buck Danny et Blueberry, qui l’embauche dans le groupe de presse où il officiait à l’époque, identifiant le potentiel du jeune scénariste.
A l’origine d’Asterix
C’est en 1951 qu’il fera la rencontre d’Albert Uderzo au sein de ce groupe et lancera ainsi la bande dessinée Oumpah-Pah avec lui. Mais faute d’éditeur, il faudra en fait attendre 1958 pour que ce titre paraisse finalement dans le Journal de Tintin ! Mais Oumpah-Pah n’ira pas bien loin : remercié par le groupe de presse pour lequel il travaillait, Jean-Michel Charlier se lance dans la création d’un groupe de presse et avec Goscinny et Uderzo sortira bientôt en octobre 1959 le premier numéro du journal Pilote, et dès le départ, le début des aventures de curieux gaulois, ainsi que le duo Tanguy et Laverdure avec Charlier au scénario et Uderzo aux dessins et l’apparition du Petit Nicolas par Goscinny avec des illustrations de Sempé.
Après des débuts assez difficiles, le magazine sera repris par Dargaud et connaîtra progressivement un succès honnête et verra apparaître des titres comme Blueberry, Achille Talon ou encore le Grand Duduche du regretté Cabu. Plus tard, ce seront les Dingodossiers de Gotlib et la série Valérian et Laureline de Jean Claude Mézières et Pierre Christin qui rejoindront le titre ainsi que des séries scénarisées par René Goscinny chez d’autres éditeurs comme Lucky Luke avec Morris ou Iznogoud avec Tabary. L’aventure du magazine Pilote dura 30 ans et se termina en 1989, peu après le Journal de Tintin stoppé en 1988. À ce jour, en revue BD franco-belge, seul Le Journal de Spirou paraît toujours en hebdomadaire et même en mensuel, à part Fluide Glacial, il ne reste plus grand-chose à se mettre sous la dent.
Si en 1977 René Goscinny décède de manière prématurée à 51 ans. L’aventure Asterix perdurera avec Albert Uderzo seul à la barre après le 24e opus avec un scénario signé Goscinny paru en 1979 (Asterix chez les Belges). Les albums qui suivront feront certes cruellement regretter l’absence de Goscinny car de qualité plus discutables (surtout Le Ciel Lui Tombe Sur la Tête avec de la moquerie très réac envers le manga et le comics) mais conserveront l’attrait du public avec un succès jamais démenti jusqu’à sa retraite en 2011, puis son décès en 2021.
La reprise d’Asterix
La reprise se fera par Jean-Yves Ferri et le dessinateur Didier Conrad en 2013 avec Asterix chez les Pictes et 5 albums sont sortis depuis (les albums d’Asterix sortent désormais tous les 2 ans). Jean-Yves Ferri a notamment scénarisé dans les années 2000 Le Retour à la Terre de Manu Larcenet et scénarisé et dessiné De Gaulle à la Plage, adapté en dessin-animé pour Arte. Didier Conrad traîne ses guêtres dans le monde de la BD depuis un bail pour sa part et “Cocorico Putain’Con”, le monsieur est originaire de Marseille. D’ailleurs c’est avec un compère scénariste marseillais qu’il arrive enfin à être publié dans Le Journal de Spirou en 1979 à 20 ans.
Leurs “hauts faits” chez Spirou seront leurs fameux “hauts de pages” et le lancement de la série Les Innommables qui leur vaudra de se faire éjecter de la revue par Jean Dupuis himself. Conrad collaborera encore plus tard avec Yann avec un pseudo commun Pearce avec notamment le spin-off de Lucky Luke “Kid Lucky” et au rayon des spin-off il collaborera avec Wilbur sur Marsu Kids jusqu’à sa reprise d’Asterix.
Cette année c’est donc L’Iris Blanc qui débarque pour parodier la pensée positive, le new-age mais sans doute aussi la manipulation qui peut en découler et les excès de cela, y compris la polarisation des pour et des contre cette philosophie. En effet, une nouvelle école de pensée, venue de Rome, prônant la bienveillance et l’épanouissement personnel est mise à l’épreuve par Jules César qui envoie l’ambassadeur de cette pensée, Vicévertus au physique à mi-chemin entre celui de BHL et celui de Dominique de Villepin, remotiver ses troupes en Gaule non loin d’un certain village récalcitrant.
Principale nouveauté de cet opus : le scénariste ! En effet, Jean-Yves Ferri cède sa place pour cet opus (et peut-être définitivement ?). C’est le montpelliérain Fabrice Caro, plus connu son son pseudonyme de Fabcaro, qui reprend l’écriture des aventures de nos célèbres gaulois. Fabcaro s’est fait un nom avec sa BD Zaï Zaï Zaï Zaï en 2015 ainsi que son roman Le Discours en 2018. Ces deux oeuvres ont d’ailleurs depuis été adaptées au cinéma : le premier par François Desagnat en 2022 et le second par Laurent Tirard en 2020. Néanmoins, l’artiste oeuvre depuis les années 90 et a écumé les journaux BD qu’ont pu être Psykopat, Tchô, Zoo, etc en touchant un peu à tout de l’indé au scénario de titres plus connus comme Achille Talon ou plus alimentaires comme certaines BD des éditions Jungle (Les Marseillais, Les Annonces en BD…).
Et ça vaut quoi alors L’IRIS BLANC ?
Cet album L’Iris Blanc sort plutôt son épingle du jeu car même si la reprise depuis le décès d’Albert Uderzo est plutôt au-dessus du dernier opus du dessinateur d’origine (Le Ciel Lui Tombe sur la Tête, évoqué plus haut). L’ensemble restait plutôt sage, voire très prudent, dans la gestion de l’héritage du Gaulois. Ici, on sent que Fabcaro rentre dans les pas de ses prédécesseurs avec plus d’aise, à la fois grâce à sa propre notoriété ou, comme s’en amuse à le faire remarquer Conrad, grâce au fait qu’il est plus simple de passer après Ferri et Conrad qu’après Goscinny et Uderzo.
Les répliques sont plus bavardes dans le bon sens du terme : il y a un propos mais les jeux de mots sont là et bien là. Le dessin de Conrad n’est pas en reste car il rentre désormais bien plus facilement dans le “moule” Asterix tout en ajoutant plus de détail et de finesse à son dessin.
Bref, tout ça pour vous dire que j’avais bien aimé L’Iris Blanc, le 40e album d’Asterix récemment sorti à l’heure où j’écris ces lignes. Le personnage et la licence n’ont pas besoin de moi pour connaître le succès mais cela évitera peut-être aux échaudés des derniers albums de passer à côté d’un épisode sympathique des aventures de notre Gaulois préféré.