PALM SPRINGS : à mater en boucle ?
Si je vous dis boucle temporelle, vous me direz automatiquement en tant que cinéphile, le fameux Un jour sans fin d’Harold Ramis avec Bill Murray et Andie McDowell. Véritable petit chef d’œuvre du genre à mes yeux, qui associe romance, comédie et morale façon Charles Dickens, c’était une époque où voyager dans le temps était à la mode au début des années 90 après la trilogie Retour vers le futur et le succès qu’on lui connaît.
Des films traitant de la boucle temporelle il y en a eu tout un tas. Peu ont versé dans le drame comme Le dernier jour de ma vie. La plupart ont été orientés sur de la SF ou de la comédie romantique. En comédie romantique récente on peut citer Naked des frères Wayans, ou encore récemment sur Netflix, When we first met qui sont des comédies romantiques sympathiques mais oubliables.
En terme de SF par contre on a quelques poids lourds tels que les excellents Source Code et Edge of Tomorrow qui sont de très bon films selon moi, car traitant la boucle temporelle de façon assez originale (avec par ailleurs une sorte d’explication “rationnelle” à cette boucle, chose qui reste floue la plupart du temps). Le thème du voyage dans le temps, qu’il soit un aller/retour simple ou une boucle temporelle est un sujet populaire abordé depuis bien longtemps.
Nouveau dans la partie, le film Palm Springs, sorti sur Amazon Prime Video, refait le coup, en apparence dans la comédie romantique assortie d’une boucle temporelle, mais justement, est-ce que c’est vraiment ce à quoi la bande annonce nous dit de nous attendre? Verdict.
Amour, boucle temporelle et comédie
Réalisé par Max Barbakow, jeune inconnu qui n’a officié que dans quelques court métrages inconnus du grand public, le film est porté par Andy Samberg (Lonely island, Brooklyn 9-9), Cristin Milioti (How I met your Mother, Fargo, Le loup de Wall Street), JK Simmons (Whiplash, Juno, Spiderman) ou encore Tyler Hoechlin (Superman and Loïs).
L’histoire raconte les péripéties de Nyles, venu assister à un mariage avec sa compagne Misty. Il rencontre Sarah, une des demoiselle d’honneur, pour qui il éprouve un certain intérêt amoureux, mais très vite, on va se rendre compte que Nyles est enfermé dans une boucle temporelle dont il est incapable de sortir. A première vue, avec un tel synopsis on est en droit de se demander si l’on est pas encore sur une énième comédie romantique mielleuse où le héros tente de se perfectionner et où enfin la boucle décidera de lui rendre sa vie, estimant qu’il a été bon, ou qu’il a trouvé l’amour de sa vie.
Ici on se rend compte très vite que tout cela n’est pas du tout comme ça. Déjà parce que Nyles n’a rien du loser classique ou du méchant gars arrogant comme l’était Bill Murray, là on est plutôt sur un type blasé, aigri, malheureux qui n’attends plus rien et subit sa journée comme s’il était en enfer.
Ensuite, on va très vite comprendre que la boucle temporelle n’est pas un acte mystique venu de nulle part, c’est en explorant une grotte que Nyles se retrouve ainsi prisonnier de sa journée. Enfin, bien souvent, dans les histoires de boucle temporelle on a un seul héros qui subit le phénomène et il doit trouver le moyen de sortir de sa situation, or, là, Sarah se retrouve par accident dans la boucle avec Nyles en le suivant dans la grotte, et un autre personnage que l’on découvre en cours de route, Roy, se retrouve lui aussi bloqué dans la boucle.
PALM SPRINGS : des personnages différents
Les 3 personnages forment un trio de galériens qui ont chacun une vision différente de la situation. Nyles subit et ne cherche plus à s’en sortir, il aura tenté de se suicider, de ne pas dormir, de changer d’endroit, rien n’y fait. Sarah, elle, va tenter coûte que coûte de trouver un moyen d’en sortir. Roy, quant à lui, subit lui aussi sa boucle mais n’étant pas sur Palm Springs (chaque journée commence là ou vous vous êtes réveillé, et Roy s’est réveillé chez lui à quelques heures de Palm Springs où se déroule l’intrigue), il va venir de temps en temps pour tuer ou faire souffrir Nyles qui l’a mis dans cette galère après une soirée trop arrosée.
On a donc un personnage qui a abandonné, un qui fait tout pour s’en sortir, et un autre aveuglé par la vengeance. 3 personnages bloqués qui ne se serrent pas forcément les coudes c’est du coup quelque chose d’original dans le genre, cela va sans dire. Le film nous sert une part de romance, une part de comédie, mais il a aussi une part dramatique inattendue et très bien menée par un Andy Samberg impeccable dans son rôle de réfugié temporel dépressif. Alors la question se pose si vous lisez ces lignes, est-ce que ce film est un réchauffé de ce qui a été fait, ou bien est-ce vraiment quelque chose d’original?
Comédie réchauffée ou oeuvre originale ?
Le film se pose vraiment comme une réinterprétation du scénario classique de la boucle temporelle dans une comédie romantique. Ici le héros n’est pas amoureux de la personne, il veut juste coucher avec en gros, ses sentiments se développeront au fur et à mesure de l’intrigue, mais on est très loin du cliché mielleux habituel.
Sarah est une battante, et après avoir fait les 400 coups avec Nyles, elle décide de sortir de sa boucle, tout du moins elle va tout faire pour y parvenir. Roy, lui, bloqué lui aussi, s’est habitué à cette vie éternelle, la jugeant pas si pénible que cela car il est avec sa femme et ses enfants, mais on sent qu’il regrette aussi de ne pas voir ses enfants grandir. Nyles, lui, a totalement abandonné, aigri, au début du film, il va trouver en Sarah un compagnon d’infortune idéal qui lui donnera un second souffle jusqu’à ce qu’il tombe amoureux d’elle et qu’elle veuille trouver un moyen de quitter sa boucle.
Les 3 personnages principaux sont très bien écrits. Andy Samberg ne nous sert pas le sempiternel rôle que l’on trouve dans la plupart de ses films et séries, il ne surjoue pas, il dose bien son côté “goofy” et son côté dépressif, faisant basculer le film sur un côté sombre par moment, notamment quand il évoque les nombreux suicides, ou la souffrance et l’agonie que lui a fait subir Roy plusieurs fois. L’arrivée de Sarah lui redonnera un semblant de goût à la vie, à la fois parce qu’il se sent moins seul, mais aussi parce qu’il tombe amoureux de Sarah.
Cristin Milioti nous offre une Sarah bien loin du love interest classique. Son personnage reste assez mystérieux, on la sent dépressive elle aussi, usée, aigrie des relations amoureuses, et ce n’est que tard dans l’intrigue qu’on parviendra un peu à déchiffrer pourquoi elle est ainsi, et justement pourquoi elle s’est finalement si bien entendue avec Nyles.
Roy, quant à lui, est un personnage atypique et inédit dans ce genre de film. Il en veut à Nyles, on découvrira plus tard comment lui aussi s’est retrouvé piégé, et on comprend aussi pourquoi il en veut tellement à notre héros. Le personnage est plus complexe qu’un simple type avide de vengeance, on découvrira aussi au fil de l’intrigue, sa psychologie et son état d’esprit vis à vis de tout cela.
Voir Palm Springs et mourir
Sans aller vous spoiler l’intrigue, pleine de rebondissements, le film se démarque, à mes yeux, par un sujet classique mais revisité avec intelligence. Déjà, le personnage principal est dans une boucle temporelle depuis un long moment, dans le script on parle de 40 ans pour Nyles, ce qui est énorme et on comprends mieux l’usure du personnage justement. Sarah est plus fraîche dans la boucle, ce qui explique son enthousiasme à vouloir partir en utilisant tout ce qu’elle peut pour trouver une issue. Roy est lui aussi comme Nyles, bloqué depuis trop longtemps, il subit sa boucle temporelle comme une punition divine en quelque sorte.
La boucle temporelle nous fait penser justement à l’enfer de la série Lucifer, où les résidents vivent encore et toujours la même chose éternellement. On est du coup en droit de se demander si finalement les personnages ne sont pas en enfer, dans un purgatoire ou autre, d’autant que, vous le verrez, un élément du film ne colle pas volontairement, et s’il passe presque inaperçu, il revient en toute fin et nous laisse avec une question sur la réalité de tout cela par rapport au dénouement final. Est-ce que c’est une hallucination des personnages ou cela a une réelle signification ? Ou bien est-ce juste une farce des scénaristes? Le film reste évasif sur ce mystère que vous découvrirez par vous même, sur l’origine de la grotte et de la boucle.
Bref, le film se termine avec un grand nombre de questions mais surtout un réel plaisir pour nous d’avoir pu suivre les péripéties de ces galériens. Le film se démarque aussi, comme je le disais, par le fait que les protagonistes sont nombreux par rapport au classique du genre, chacun est coincé dans la même boucle mais ils ne débutent pas leur journée au même endroit, au même moment. Enfin, les seconds rôles sont finalement assez fantomatiques à part les futur mariés et la copine de Nyles, on comprend finalement qu’ils auront un rôle dans l’intrigue alors que les autres seront tout bonnement oubliés une fois leur visage apparut à l’écran.
Final fin ou sans fin ?
Le long-métrage se focalise sur nos héros plus qu’autre chose, on reste concentré sur leur histoire sans digresser inutilement, le film ne subit aucun temps mort agaçant, il est bien rythmé, bien monté, l’intrigue se lit très facilement à l’écran malgré les flashbacks en pleine boucle temporelle, c’est un travail de fond bien fait, bien joué et bien écrit qui nous fait passer un très agréable moment.
Au final Palm Springs est une comédie originale, inédite et touchante, qui nous offre une belle réflexion à la fin, et qui, même si les personnages semblent déprimants aux premiers abords, nous amène à la fin sur un fond de “feel good” movie pas si illogique que ça à travers une intrigue intelligente et rondement menée par un trio d’acteurs aux profils très différents et aux enjeux totalement opposés. Si vous cherchez une comédie romantique originale et intelligente, je ne peux que vous conseiller vivement de voir ce film, vous passerez comme moi un très agréable moment, sans passer par la case malaisante des classiques du genre. Pour moi une des meilleures œuvres en termes de comédie sur la boucle temporelle depuis Un jour sans fin, et ce film date de 1993 !