ANIMAL LECTEUR : à dévorer ?
Je ne suis pas un lecteur assidu de comic-strip mais je vais évoquer ici un comic-strip français ma petite dame ! Il s’agit d’Animal Lecteur, une bande produite par Sergio Salma et Libon pour le Journal de Spirou depuis 2006.
Animal Lecteur : des affres de ton libraire BD tu riras…
Pour un hebdomadaire BD avec un historique aussi riche que le Journal de Spirou, il est logique que le lectorat de celui-ci soit en général assez habitué à fréquenter les librairies BD, les festivals ou de croiser d’autres lecteurs de ces illustrés. L’idée de base des auteurs à l’origine d’Animal Lecteur est simple : parler de cet univers auquel ils sont eux-mêmes fréquemment confrontés, celui des professionnels et des fans de BD.
L’idée n’est pas courante même si elle a déjà été expérimentée en partie à travers des séries traitant de rédactions de journaux BD comme le Gaston de Franquin ou la Spirou Dream Team de Yann et Léturgie au sein même du Journal de Spirou. Autre exemple proche : Le Gang Mazda, une série créée en 1987 par Christian Darasse (récemment aux commandes de Tamara) traitant de la vie de son studio de dessin qu’il partageait avec Marc Micheltz (auteur de Kogaratsu) et Bernard Hislaire (créateur de Sambre) et qui s’arrêta en 1996.
… Et un peu de ta propre gueule tu te foutras…
Les gags parlent donc principalement de la vie d’un libraire BD, gérant de BD Boutik, et de ses clients. Salma (scénariste de Mademoiselle Louise, du regretté Geerts) et Libon (auteur de Jacques) ont l’air de bien connaître leur sujet car de nombreuses caractéristiques du monde de la BD sont caricaturées dans ces bandes avec justesse : la quantité de sorties, les séries interminables, les lecteurs fanboys, les complétistes, etc… L’humour fait souvent mouche, car le passionné de BD reconnait très vite que la caricature n’est pas tant forcée que ça et que l’absurdité de certaines des situations illustrées est tout simplement une simple lecture d’évènements courants dans le petit monde du lecteur ou du libraire BD.
Dans la forme, ces strips sont présentés à la verticale, en 3 à 6 cases suivant les cas, et souvent avec un fond coloré généralement marron ou kaki. Le dessin de Libon peut rebuter sans doute, plus dans la veine Fluide Glacial ou le regretté Psykopat que Spirou en fait, mais c’est régulier et on s’y fait très vite. Pendant quelques temps, le strip s’émancipe de ce format lors de numéros spéciaux pour occuper des pages entières du Journal de Spirou avec de réelles planches complètes. Ces histoires seront ensuite réunies dans le 5e album de la série.
Le fond reste intact et le changement de sens de lecture importe peu. Il faut cependant avouer que si l’on n’a aucune affinité avec le monde de la BD, dans le sens “fanboy” du terme, et que l’on ne fréquente que très rarement boutiques spécialisées ou festivals, certains gags tomberont à plat, les références nécessaires étant absentes. On pourra toutefois saluer l’idée de dépeindre assez fidèlement auprès de ce public là une certaine réalité du monde commercial de la BD, que ce soit du côté revendeur ou de celui du “client”. Cette peinture est tellement fidèle qu’elle prendra même une tournure un peu triste dans le dernier recueil quant à la destinée de ce marché.
…Dans cette amusante série que voilà !
Cette petite série qui a occupé les pages chaque semaine du Journal de Spirou à partir de 2006 n’a débuté sa carrière en album chez Dupuis qu’en mai 2010 avec un 1e recueil au format original (en gros un demi-A4… mais sur la hauteur) intitulé “Ca va cartonner”. Ces volumes, aux titres humoristiques également (on savourera aussi la référence – comparaison ? – de l’Animal Lecteur au célèbre personnage d’Hannibal Lecter), reprennent environ 90 bandes, un peu dans le désordre mais c’est sans importance. La série a un total de 7 albums avec le 5e au format de BD franco-belge plus classique comme je le disais plus haut. La série semble désormais plus compliquée à trouver sur les rayonnages à moins que notre cher libraire en ait dans son stock ?!