L’EXTRAORDINAIRE MR ROGERS invite au retour à l’enfance
Dans ma première présentation des Arts Narratifs, j’évoquais le fait que tout ce qui pouvait être raconté avait sa place ici, comme par exemple une publicité, etc. Le cinéma n’a bien entendu pas attendu pour en faire de même en adaptant comic-books, jeux vidéos, séries télévisées, vies de personnalités, etc… Avec L’Extraordinaire Mr Rogers, le cinéma adapte un article de magazine évoquant le présentateur d’une véritable émission pour enfants diffusée aux Etats-Unis sur la chaîne publique PBS.
Faisons connaissance avec Mr Rogers
A Beautiful Day in the Neighborhood est sorti aux USA pour Thanksgiving 2019 (le 22 novembre) et avait du mal à trouver une sortie en France au vu de sa thématique très locale. En effet, l’émission dont elle parle n’a à ma connaissance jamais passé les frontières américaines où elle fait partie de leur patrimoine audiovisuel comme L’Ile aux Enfants chez nous par exemple. Pardonnez du peu : Mr Rogers’ Neighbohood a été produite et diffusée sur une chaîne publique de 1968 à 2001 !
Pendant 33 années, Fred Rogers expliquait aux enfants des tonnes de choses, les amusait avec ses marionnettes et leur chantait des petites chansons (près de 200 de sa plume !)… Il se permettait d’ailleurs avec ses chansons d’aborder des sujets délicats comme le divorce ou la maîtrise de ses pulsions colériques. Si vous avez jeté un œil à la série Kidding avec Jim Carrey, on parle du même genre d’émission pour enfants.
Sortie… de route ?
Le film devait sortir dans les salles obscures françaises le 25 mars 2020 mais le fameux confinement sanitaire qui a fermé les cinémas à partir du 15 mars a donné une autre destinée à ce long-métrage. En effet, au même titre que Forte (film français avec entre autres Valérie Lemercier) et Bloodshot (adaptation du comic Valiant avec Vin Diesel), L’Extraordinaire Mr. Rogers connaîtra une diffusion française en SVOD directement via Amazon Prime Video.
Honnêtement, au contraire des deux autres films cités, il aurait largement mérité une destinée commerciale plus traditionnelle que le direct-to-video. Pourquoi ? Je répondrais simplement : Tom Hanks. Quoiqu’il fasse, son jeu est juste, en retenue et de qualité. Ici, son interprétation de Fred Rogers, toujours bienveillant et insaisissable, est à la hauteur. L’autre acteur principal du film interprète le journaliste qui a écrit le fameux article du magazine Esquire adapté ici : Lloyd Vogel.
Casting honorable
Lloyd Vogel est joué par Matthew Rhys. Il apparaît principalement ces dernières années au casting régulier des séries Brothers and Sisters et The Americans. Pour ma part, je ne l’ai vu avant ça que dans deux films : A vif ! de John Wells avec Bradley Cooper et Pentagon Papers de Steven Spielberg. Il ne m’était jamais apparu comme particulièrement remarquable mais force est de constater qu’il utilise parfaitement sa palette d’émotions dans ce film !
En effet, l’enjeu du film est plus la manière dont Mr Rogers aida Lloyd à régler ses problèmes familiaux à l’occasion de la rédaction de son article plus que dans une longue biographie de Mr Rogers. Cela laisse une grande part à la prestation de Matthew Rhys face à sa femme aimante Andrea (Susan Kelechi Watson) et son père Jerry (Chris Cooper) envers qui il a de nombreux griefs. Si vous vous demandez où vous avez vu ces deux rôles secondaires, Susan Kelechi Watson est également une épouse aimante dans la série This Is Us (Beth Pearson) tandis que Chris Cooper a pour sa part une filmographie très chargée avec entre autres des rôles dans Syriana, Truman Capote, Adaptation, The Town, American Beauty, Fou(s) d’Irène…
Lenteur et douceur
A la réalisation, Marielle Heller (Les Faussaires de Manhattan) joue souvent sur plusieurs tableaux et cela mène parfois à perdre le spectateur sur l’enjeu réel du film : Mr Rogers est-il vraiment aussi gentil qu’il le paraît ? Quel est son lourd secret derrière tant de gentillesse ? Certaines scènes oniriques vont-elles mener à un twist à la Fight Club ? Lloyd va-t-il régler ses problèmes ? Que contiendra le fameux article ? Tout cela s’entremêle jusqu’à parfois en devenir confus et en ralentissant la compréhension, à un peu… ennuyer le spectateur.
En effet, le défaut principal de L’Extraordinaire Mr Rogers est de tellement faire sinuer son récit dans sa première heure qu’il finit à plus ennuyer celui qui le regarde qu’à réellement l’impliquer. Cela est assez dommage car dans l’ensemble, la mise en scène est discrète et élégante et l’ambiance désuète plutôt plaisante. L’idée des scènes un peu oniriques, notamment avec les marionnettes, ramène un peu à du Michel Gondry également.
A l’image de l’émission à laquelle elle fait référence, la poésie et les bons sentiments parfois mielleux sont au centre du film mais la partition jouée par Tom Hanks comme la réalisation maîtrisée de Marielle Heller rendent L’Extraordinaire Mr Rogers un peu moins dangereux pour les diabétiques. Néanmoins, il ne faudra pas être trop fatigué pour tenir les 1h49 de ce long-métrage qui le mérite malgré tout…