A vélo avec RAOUL TABURIN
Raoul Taburin, c’est d’abord une bande dessinée de Sempé, l’illustrateur du fameux Petit Nicolas de René Goscinny, qui est sortie en 1995. On y retrouve un réparateur d’un petit village, expert dans les vélos et autres bicyclettes, hanté par un secret qu’il estime honteux : il ne sait pas faire de vélo. Il n’a jamais eu l’occasion de se confier à quiconque en plus de quarante ans. Et pire encore ! Il passe pour un cycliste expert, as du guidon et des figures acrobatiques, par une suite de malentendus ! Sa vie va se voir transformée par sa rencontre avec Hervé Figougne, photographe portraitiste qui souhaite immortaliser l’as du vélo Raoul Taburin en action…
Poelvoorde et Baer à la barre
L’adaptation cinématographique est sortie en salles le 17 avril 2019 avec dans les rôles principaux Benoît Poelvoorde (l’acteur belge productif de Podium, C’est arrivé près de chez vous, Le Grand Bain ou encore Les Emotifs Anonymes) et Edouard Baer (ancien animateur de Radio Nova, France Inter et Canal+ et au cinéma, je retiendrai surtout son rôle de scribe dans Asterix & Obelix : Mission Cleopatre). Ce casting donne le ton un peu onirique, passéiste et perché du film.
Ce n’est pas forcément un défaut mais ça permet bien de définir et contextualiser le ton et la photographie de Raoul Taburin : c’est filmé dans un petit village de la Drôme avec des lumières estivales, avec des personnages un peu hors du temps, et des personnages principaux très théâtraux. On y retrouve quelques touches de désuétude comme dans Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou un autre film plus récent de Jean-Pierre Jeunet L’Extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S. Spivet.
Sempé est sans reproche…
Ce n’est pourtant pas un film de Jeunet mais de Pierre Godeau qui n’a pas grand-chose de connu à son actif pour l’instant (Juliette en 2013 et Eperdument en 2015) mais en creusant un peu, ce n’est pas seulement la poésie de Jean-Jacques Sempé qui met le ton avec sa voix-off et ses personnages hauts en couleur, mais on retrouve par le scénariste du film qui l’a adaptée le point commun avec le style de films de Jeunet. En effet, Guillaume Laurant est scénariste de pas moins de cinq films de Jean-Pierre Jeunet ! Il était déjà là pour La Cité des Enfants Perdus et a reçu nominations au Césars et Oscars et carrément les prix du scénario aux BAFTA et Festival Lumière en 2002 pour Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.
Il faut donc accepter ce type de narration en préambule et ce style un peu « hors du temps » et absurde de l’univers dépeint sous peine de passer complètement à côté du film. La voix-off est d’ailleurs, à mon goût, un peu trop présente, notamment dans le premier tiers du long-métrage, et peut s’avérer un peu pesante. Par contre, les acteurs principaux semblent réellement à l’aise dans cette petite fable et réellement investis et sincères, même si le reste de la distribution ne semble pas vraiment convaincu (ni convainquant).
En attendant Godeau
Cette bonne volonté, cette image désuète et cette histoire poétique sont en fait très agréables mais ne bénéficient malheureusement ni d’un réalisateur inspiré ni d’un scénario de base extrêmement poussé. La réalisation de Pierre Godeau est assez propre mais affreusement linéaire et assez pauvre en inventivité. Et bien sûr, le prétexte du secret d’un réparateur de vélo qui ne sait pas en faire se révèle assez mince pour tenir la longueur d’un long-métrage (même s’il est assez court avec 1h26 au chrono).
Au final, à l’écran, Raoul Taburin n’est pas désagréable lové dans son canapé avec sa poésie et des Poelvoorde et Baer impeccablement castés, mais son manque de personnalité propre fera qu’il sera rapidement oublié une fois visionné, évaporé comme un joli petit rêve…